Un front large et uni contre la privatisation de la Poste

Publié le par CGT Poste Villeurbanne PPDC



Vu dans la presse (source : Le Monde) :




 

« Quand La Poste rassemble la gauche

 

 

Une grève plutôt suivie dans un secteur où les mouvements sont souvent minoritaires, une pétition commune de l'ensemble de la gauche, un appel à référendum et enfin, depuis le 3 octobre, une proposition de loi déposée par un député communiste. La levée de boucliers contre l'ouverture de capital - sa privatisation selon les syndicats - de La Poste semble dépasser de loin ce qu'on était en droit d'attendre d'une mobilisation touchant une entreprise publique.

 

Alors que les partis de la gauche se regardent en chiens de faïence depuis mai 2007 et semblent incapables de s'entendre, malgré la constitution en commun d'un "comité de riposte" pour s'opposer ensemble à la politique de Nicolas Sarkozy, le dossier de La Poste a vu se former, en quelques semaines, un front du refus inédit. En proposant aux pouvoirs publics, début juillet, un changement de statut de La Poste, qui deviendrait une société anonyme en 2009, précédant une ouverture de capital en 2010, Jean-Paul Bailly, le président de l'entreprise publique, a permis à toute la gauche d'enfourcher un même cheval de bataille.

 

Ce branle-bas de combat a débouché, le 23 septembre, sur une grève syndicale unitaire à La Poste qui a été assez bien suivie (27 % de grévistes selon la direction, 40 % selon les syndicats). Et, pour la première fois depuis les mobilisations contre le contrat première embauche (CPE) en 2006, l'ensemble des partis de gauche - du Parti socialiste à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) - a signé une déclaration commune, suivie d'une pétition. L'appel à un référendum d'initiative populaire - rendu possible par la récente réforme de la Constitution -, selon une idée de FO-PTT reprise par la gauche syndicale (CFDT exceptée) et politique, a été relayée par Libération, qui proclamait dès le 2 septembre : "Il faut un référendum." Ce front du refus a obligé M. Sarkozy à lâcher du lest en créant une commission sur La Poste qui, en raison de la crise financière, ne rendra pas ses conclusions avant le 15 décembre.

 

Comment La Poste, qu'on aurait pu croire dépassée à l'heure d'une communication immédiate à coups de courriels et de SMS, a-t-elle favorisé un tel "arc de forces" ? Un peu comme si les Français avaient rédigé une lettre d'amour à leurs facteurs alors qu'ils n'écrivent plus guère... L'attachement à ce service public va bien au-delà de la seule défense des bureaux de poste. Selon un sondage CSA-Opinions, réalisé les 17 et 18 septembre pour L'Humanité, 61 % des personnes interrogées se disaient "défavorables" au changement de statut de La Poste. "La Poste n'est pas seulement perçue comme un outil public efficace mais elle est porteuse de valeurs fondamentales d'égalité. Cet attachement est d'autant plus fort que les Français ont le sentiment d'un retrait progressif de l'Etat", analyse Stéphane R., directeur général de CSA.

 

Aux yeux de l'opinion, La Poste et son fameux logo jaune représentent un peu plus qu'un bon service postal. Depuis Louis XI, c'est un timbre au même prix pour tout le monde. C'est encore la (quasi) assurance qu'une lettre partie de n'importe quelle boîte postale du territoire arrivera à destination à "J + 1". C'est enfin un maillage local de bureaux de poste qui restent souvent le dernier service public en milieu rural. Le postier, on le voit tous les jours avec son costume bleu marine bordé de jaune. C'est sa camionnette jaune qui apporte, en plus du courrier, le médicament que les personnes âgées ne peuvent plus aller chercher ou le journal qu'on attend avec son café. Une privatisation fait surgir la crainte d'une recherche de rentabilité qui entraînerait forcément une rationalisation des moyens, et donc la fermeture des bureaux non rentables. Elle traduit ainsi une peur que ce dernier lien social ne vienne se rompre dans des coins reculés où l'Etat semble désormais bien loin.

 

 

L'OPPOSITION DES MAIRES RURAUX

 

 

Souvent en première ligne pour défendre leur hôpital ou leur école, ou leur caserne, les maires ruraux sont montés très vite au créneau. Leurs inquiétudes se sont retrouvées dans les urnes lors des élections sénatoriales du 21 septembre qui se sont traduites par une poussée de la gauche. L'Association des maires ruraux a demandé à son tour un débat public et un référendum. "Une révolte à la fois contre les technocrates déconnectés de la vie réelle, Bruxelles et ses directives, et le libéralisme au moment où ce dernier semble craquer de toutes parts", observe Christophe Aguiton, d'Attac. Elus et syndicalistes ont en mémoire les promesses de non-privatisation faites lors de précédentes ouvertures de capital d'entreprises publiques. Or plusieurs, comme Air France-KLM ou GDF-Suez, sont devenues privatisées. "L'expérience a démontré que l'ouverture du capital, c'est le début de la privatisation. Dans les villages, ça s'est vu", assure Marie C., membre de l'exécutif du PCF.

 

A gauche, l'avenir des entreprises publiques divisait encore il y a peu. Le PS n'a jamais caché son accord à l'ouverture du capital des entreprises publiques depuis la transposition sous le gouvernement Jospin de la directive européenne sur la libéralisation des services. "Le PS a évolué, assure Christian Martin, secrétaire national du PS chargé des services publics. Il a compris que, sur ce dossier, il risquait de se couper du pays. Et qu'il avait une occasion de montrer qu'il n'est pas ce que tout le reste de la gauche lui reproche d'être !" Même si plusieurs de ses dirigeants ne sont pas hostiles à une ouverture de capital de La Poste, le PS ne peut rester en dehors d'un front de gauche qui mobilise largement. Ce dossier donne aussi à la gauche une occasion de redevenir audible. "C'est un vrai enjeu pour le PS de se refaire une santé vis-à-vis d'un électorat qui se posait beaucoup de questions sur sa capacité à s'opposer à Sarkozy", remarque Cécile G., secrétaire générale de SUD-PTT.

 

Les opposants à la privatisation jugent qu'une victoire est possible, comptant sur le caractère très large d'un front du refus qui touche tant les personnes âgées que les ruraux et mord sur une base électorale traditionnellement à droite. Le gouvernement l'a senti et a tenté de désamorcer la grogne. François Fillon a répété à plusieurs reprises que l'avenir de La Poste "ne passe pas par la privatisation", semblant privilégier une entrée dans le capital de la Caisse des dépôts. Mais tant que le gouvernement n'a pas officiellement abandonné son projet, le front syndical ne veut pas baisser la garde. La gauche n'entend pas davantage renoncer à une victoire possible. Et ainsi exister enfin face à Nicolas Sarkozy. »

 

 

 


 

 

Publié dans Service public

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