Poste belge : 1 milliard d'euros de pactole pour qui ?

Publié le par CGT Poste Villeurbanne PPDC



Source : Trends.be


« La Poste [belge] : à quoi servira son «pactole» de 1 milliard ?

 

 

La Poste disposerait de plus de 1 milliard d'euros de réserves non utilisées. Un «trésor de guerre» qui, selon le ministre des Entreprises publiques, pourrait bien être reversé en totalité aux actionnaires, l'Etat et CVC Capital Partners. Pourquoi ne servirait-il pas à entrer dans le capital du britannique Royal Mail ? Quoi qu'il arrive, l'information tombe mal, sur fond de conflit social.

 

Les manifestants ont à peine rangé leurs banderoles que la polémique rebondit autour de La Poste. Que fera cette dernière de son «trésor de guerre» qui dépasse le milliard d'euros ? Steven Vanackere, vice-Premier ministre et ministre des Entreprises publiques, a mis les pieds dans le plat samedi, dans une interview accordée au Tijd : les actionnaires - l'Etat et CVC Capital Partners - pourraient tout bonnement se partager la galette. Et ce, moyennant un cash out, qui revient à encaisser tout ou partie des réserves, si celles-ci sont déclarées inutiles.

 

« La Poste n'est pas une banque », a ainsi argumenté le cabinet Vanackere au Soir. « Il ne lui sert pas à grand-chose d'avoir une pareille trésorerie alors qu'elle est peu endettée, qu'elle n'a pas de plan de restructuration drastique à mettre en place et qu'elle n'a pas l'ambition de racheter des entreprises un peu partout.»

 

Le pactole de La Poste distribué aux actionnaires ? Deux problèmes surgissent

 

Deux options, dans le pacte organisant la privatisation partielle de La Poste, sont en effet activables depuis le mois de janvier dernier : une entrée en Bourse et un cash out. « L'une n'étant pas au programme, l'autre arrive sur la table », résume Le Soir. « On se doute bien que l'Etat verra d'un bon œil budgétaire arriver 500 millions d'euros dans ses comptes sous la rubrique 'entrées exceptionnelles'. Idem pour CVC, qui doit racheter les parts de son ex-partenaire privé (la Poste danoise) dans la Poste belge.»

 

Le problème est cependant double, aux yeux des salariés et syndicats. Primo, l'idée d'un versement - même partiel - de cette manne aux actionnaires ferait mauvais genre peu de temps après les journées de grève, au cours desquelles les syndicats ont réclamé une revalorisation salariale, arguant des efforts de rentabilité fournis depuis trois ans... et, justement, « à leur effet bénéfique sur les parts des actionnaires (la Poste danoise se retire en réalisant 148 % de bénéfices en 36 mois) », rappelle Le Soir.

 

 

Ceci dit, le montant et le calendrier un hypothétique cash out sont encore inconnus. Cela sera, le cas échéant, décidé par le conseil d'administration et confirmé lors d'une assemblée générale. « On ne peut dire si ce sera cette année, la prochaine ou dans dix ans », indique-t-on encore du côté du cabinet Vanackere.

 

Secundo, la rubrique « trésorerie, équivalents de trésorerie et placements » de La Poste, qui n'a cessé de gonfler ces dernières années, englobe les 300 millions d'euros injectés par CVC Capital Partners et la Poste danoise pour faire leur entrée dans le capital. Avec, à la clé, cette question, ainsi que le rappelle Le Soir : avait-on réellement besoin de partenaires privés ? « Il y a toujours une décote de valeur sur la partie cash : on ne valorisera jamais un milliard en placements en un milliard en valeurs », répond le cabinet du ministre des Entreprises publiques dans le quotidien. « Dans le cadre d'une éventuelle entrée en Bourse, cette énorme partie cash est même un désavantage .»

 

Et si La Poste utilisait son milliard pour entrer dans Royal Mail ?

 

Aucune ambition de rachat, vraiment ? Ce n'est pas l'avis du Daily Telegraph qui, la semaine passée, affirmait que La Poste envisageait d'entrer dans le capital de sa consœur britannique Royal Mail. CVC Capital Partners - « qui opère actuellement une augmentation de sa participation dans La Poste à hauteur de 49,9 % » - discuterait ainsi avec l'entreprise belge d'une offre sur une part du groupe britannique. Offre qui serait menée par les deux partenaires ou seulement l'un des deux, chaque piste étant apparemment ouverte.

 

Dans ce cadre, un matelas dépassant le milliard d'euros serait certes bienvenu. Sachant que TNT tiendrait actuellement la corde avec une offre de 3 milliards de livres sterling (3,3 milliards d'euros) pour 30 % de Royal Mail, le milliard d'euros de la Poste belge représenterait d'emblée une participation d'environ 9 %. Sans même compter sa capacité d'endettement.

 

L'opération, du reste, ressemblerait beaucoup à celle qui a offert 50 % moins une action de La Poste à Post Invest Europe, joint-venture à 50/50 de Post Danmark et de son propre actionnaire, CVC. Ce dernier se retrouve seul à bord depuis que la Poste danoise a annoncé son retrait de l'entreprise publique belge début février.

 

Officiellement, ainsi que le confirment aujourd'hui les propos du cabinet Vanackere, le «  dossier Royal Mail » n'est pas sur la table de La Poste. « Un intérêt existe peut-être de la part de CVC Capital Partners, et c'est ainsi que le lien a été établi », estimait alors une source de l'agence Belga. Quant à La Poste et CVC Capital Partners, c'était le no comment de rigueur.

 

Ecolo : « CVC s'arrogerait ainsi une belle partie du patrimoine historique de La Poste ! »

 

Les partis Ecolo et Groen! ont d'ores et déjà manifesté leur opposition à tout cash out. « CVC, qui, en 2005, a acheté 25 % des actions de La Poste pour 150 millions d'euros et en possédera bientôt 50 %, s'arrogerait une belle partie du patrimoine historique de La Poste, après avoir déjà bénéficié de 80 millions d'euros de dividendes depuis son entrée dans le capital », relèvent les Verts. A leurs yeux, c'est sur le dos des travailleurs, soumis à une très forte pression depuis la mise en place des plans Géoroute, et sur le dos des usagers, confrontés depuis quelques années au démantèlement progressif du service postal, que se réalisera ce bénéfice.

 

Les deux partis soulignent également qu'en fonction des conditions d'ouverture du marché postal à partir de 2011, « l'Etat risque bien de devoir payer très chèrement le service universel assuré par La Poste ». Ils dénoncent une nouvelle illustration d'un « libéralisme débridé » et «d'une vision politique de court terme» qui traduit, selon eux, un « pillage » de La Poste. Ils jugent inacceptable de remettre ainsi en cause le service public postal, « mais surtout de permettre à un fonds d'investissement privé de réaliser de tels bénéfices de façon indue au détriment de l'ensemble des contribuables ».

 

Syndicats : ce milliard d'euros « est scandaleux par rapport aux 35.000 postiers qui ont, par leurs efforts, contribué » au succès de La Poste

Les réactions syndicales, elles non plus, ne se sont pas fait attendre. « Que les actionnaires de La Poste se partagent 1 milliard d'euros alors que l'on demande toujours plus d'efforts aux postiers, c'est tout simplement scandaleux ! », ont asséné mardi les syndicats CSC et SLFP.

 

Ce montant de 1 milliard « est scandaleux par rapport aux 35.000 postiers que compte l'entreprise et qui ont, par leurs efforts, contribué à son succès », a dénoncé André Blaise (CSC). Selon ce dernier, la productivité au sein de La Poste a augmenté de 30 % ces cinq ou six dernières années : « Les efforts des travailleurs ont été considérables pour que l'entreprise soit prête au moment de la libéralisation totale du marché. Ce que je dis aujourd'hui, c'est que cette libéralisation a bon dos et qu'elle est utilisée pour faire passer un plan stratégique sans que les travailleurs ne reçoivent rien

 

Discours identique du côté des libéraux : « Il est absolument anormal que les postiers ne reçoivent rien », s'est insurgé Marc De Mulder, président du SLFP, qui dit par ailleurs craindre «des actions dures» de la part du personnel, alors que La Poste a déjà été touchée la semaine dernière par un mouvement de grève.

 

D'actions, il en sera justement question jeudi matin à Bruxelles. Des militants se réuniront en effet devant le Centre Monnaie sur le coup de 10 heures, heure à laquelle devrait se terminer la première réunion «post-grève» entre l'administrateur délégué de l'entreprise Johnny Thijs et les syndicats. « Le problème de Géoroute devrait être abordé au cours de cette rencontre : par notre action en front commun, nous voulons continuer à mettre la pression sur la direction », a conclu André Blaise. »

 

 

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